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Nate ! Attends moi ! Je continue mon chemin un instant, mais suis forcé à m’arrêter et même à faire demi-tour quand mon meilleur ami m’attrape le bras. Je soupire, sors instinctivement une cigarette pour l’allumer et la caller entre mes lèvres, sachant pertinemment de quoi il va me parler. T’es censé avoir cours là non ? Je hausse les épaules sans prendre la peine de répondre. Il sait très bien que oui puisque nous sommes ensemble en cours. Sans prononcer un seul mot, je vais me poser contre un arbre et sais qu’il m’emboite le pas. Tu devrais y aller, sérieux.. Pour info, t’y es pas toi non plus non ? J’entends un soupir qui signifie que j’ai gagné un point alors qu’il me pique ma clope. Je ne réagis même pas ; il va me la rendre en se rendant compte qu’il n’y a pas que du tabac. La prof de maths a été surprise de te voir tu sais ? Je hausse les épaules et attends la suite. Je sais qu’il ne parle pas de ça par hasard. D’ailleurs, t’as eu combien ? Quatre-vingt dix-huit. Il me rend ma clope et surtout il me fixe comme si je suis un extraterrestre. A croire qu’il n’a pas encore l’habitude avec moi. Bordel Nate ! T’imagines les capacités que t’as ?! Et ton père sera content non ? Je le savais qu’il allait parler de mon géniteur ! J’aurais pu le parier. Je lance un grognement et tire une nouvelle fois sur le tube empoisonné que j’ai entre mes lèvres. Il va dire que j’aurais pu faire mieux.

C’était toujours comme ça de toute façon. A chaque fois que la prof de maths nous rendait nos copies, je faisais l’effort de me pointer en cours. A chaque fois, Damian me demandait ma note – qui était toujours presque parfaite – et me disait que mon père serait fier. Et à chaque fois, mon père se faisait un plaisir de me rappeler mes erreurs plutôt que ma réussite. Enfin.. A chaque fois, c’était un grand mot. Depuis mes quinze ans, j’ai pris l’habitude d’éviter de rentrer chez moi pour ne plus avoir à faire face à cet homme qui me sert de père. Ma mère dans tout ça ? Disparue de la circulation depuis mes deux ans. Je crois que mon père l’a poussée à bout. C’est normal en fait, il ne jure que par son entreprise et la perfection.

Tu rentres que maintenant ? Je jette un regard vers l’horloge de l’entrée sans répondre à mon père. Il ne sait dire que ça je crois. Je me contente d’un vague grognement voulant lui faire comprendre que je ne veux pas me prendre la tête pour l’instant. Ton professeur de mathématiques a appelé. On a rendez-vous dans vingt minutes. Je ne daigne pas répondre encore une fois. A quoi bon ? Je soupire doucement et me dirige vers la voiture de mon paternel. Je ne sais pas ce qui m’attend une fois là-bas, à la limite, ce n’est pas important. Le truc, c’est que je devais voir Damian moi. Donc si je vous ai demandé de venir monsieur Whitley c’est pou.. Je vous prie de m’excuser si mon fils est un incapable. la coupe-t-il. Hein ? Un incapable ? Je soupire doucement en lançant un regard blasé à ma prof. Qu’est-ce que je peux faire là ? Mon père est convaincu que je vais finir chômeur, que je suis un imbécile – comme ma mère, d’après lui – alors bon. Ah non. Nathanael est vraiment doué ! Il a une moyenne excellente, seulement je n’ai eu aucun retour suite aux messages que je lui ai demandés de vous faire passer alors.. Des messages ? Ah oui, ceux qui disaient qu’elle souhaitait le rencontrer pour parler d’une bourse quelconque avec un cursus ennuyant dans je ne sais plus quelle fac ! Mon père lance un grognement et écoute la femme qui lui fait face. Moi, je laisse mon regard vagabonder dans la salle sans rien dire.

Pourquoi je n’en avais jamais parlé à mon père ? Et bien.. J’avais prévu de postuler à cette université avec l’appui de la prof, d’obtenir la bourse dont on parlait de temps en temps et de prouver à mon père que je pouvais faire quelque chose de ma vie. Je savais que si je mentionnais ce projet, il m’aurait coupé l’herbe sous le pied. Un homme d’affaire, directeur de son entreprise, ne veut pas que son fils fasse des études en mathématiques ; il veut qu’il reprenne l’affaire à sa suite. C’est ce qu’il disait. Mais je n’avais pas prévu que ma prof veuille lui en parler un jour, ni même qu’à notre retour chez nous, il ne décide de me gifler en disant que je pouvais faire mieux et que je n’aurais même pas dû imaginer entrer dans cette université. Comment j’ai réagi après cette preuve d’amour des plus.. Expressive ? Je suis juste sorti en attrapant mon téléphone pour appeler mon meilleur ami qui me faisait la tronche. J’ai pas réfléchi en fait. Au final, il m’a insulté au téléphone mais je me suis quand même rendu chez lui où j’ai eu le droit à une bonne droite avant qu’il ne me laisse rentrer. Je sais très bien qu’il aurait pu me laisser à la porte et tout, mais notre amitié est plus forte qu’un stupide mensonge par omission.

Je me retrouve devant mon casier qui est tagué d’un très aimable « Pédale ». Je sens le regard des élèves présents dans le couloir sur moi mais je reste comme un con à fixer ce tag. Nate, j’te jure que j’ai rien dit ! Je tourne la tête vers mon meilleur ami sans lui adresser la parole ; je sais que ce n’est pas lui. J’ai trop confiance en lui pour ne serait-ce qu’imaginer que ça soit lui. Des murmures s’élèvent dans le couloir, un mec vient me taquiner pour me proposer quelques dollars contre une gâterie dans sa voiture. Ni une, ni deux, je le pousse contre les casiers, un bras contre son cou, prêt à lui en mettre une mais Damian m’en empêche et m’attire même dehors pour m’empêcher de faire une connerie. Mon père va me tuer mec. Ce sont les seuls mots que j’arrive à marmonner avant de me sortir un joint et de l’allumer. J’ai besoin de me calmer, sérieux. On a séché le reste des cours de la journée – donc en fait, toute la journée – parce que mon meilleur ami a bien compris que si je retournais au lycée, je risquais de faire exclure en plus de répandre la rumeur. Une fois rentré chez moi – aux alentours de vingt-deux heures – mon père m’attend dans le salon, comme j’aurais pu m’y attendre. J’ai appris que tu n’étais pas en cours aujourd’hui. Je ne daigne pas répondre et me dirige vers la cuisine dans l’optique d’aller manger quelque chose. Mon père m’emboite le pas et se pose sur le seuil de la porte, m’empêchant toute tentative de fuite. J’ai appris aussi que tu avais causé problème avant de quitter le lycée. Je soupire. Ouais, ça se p... Ne prononce pas un mot, imbécile. me coupe-t-il froidement. Je lui lance un regard noir mais reste silencieux. Le proviseur m’a fait part d’une rumeur à ton sujet. Elle est.. En quoi ça te regarde ? Sa main s’abat sur ma joue alors qu’il commence à me hurler après pour m’expliquer que je ne pouvais pas me comporter de cette manière, que je devais finir ma vie avec une femme, me marier, avoir des gamins. Une fois qu’il m’a balancé tout ce qu’il pensait de moi, il est parti dans le salon, sûrement pour s’enfiler un verre de vin.

La réalité par rapport à cette rumeur stupide, c’est qu’en fait, je profite de la vie. Je ne me classe pas dans une catégorie particulière quant à mon orientation sexuelle, certains me disent bisexuel, d’autres pansexuel ; moi, je dis simplement que je suis ouvert à tout. Je n’ai, malgré cela, jamais tenu tête à mon père pour revendiquer cela parce que je voyais à quel point cela pouvait le mettre en rogne. Des bruits couraient au lycée sur moi, je m’en foutais royalement, il n’y a pas d’autres mots je crois. Certains arrivaient jusqu’au bureau de mon père grâce – ou à cause – à des clients ou des employés, mais qu’importe. Au moins, il m’adressait la parole plutôt que de rester terrer dans son bureau quand il était chez nous. Pourtant, je n’avais pas imaginé ce qui allait se passer ensuite. Je n’ai jamais pensé qu’il puisse décider de m’envoyer en économie à Seattle, ni même qu’il me force à consulter un psy pour résoudre mes ‘’problèmes d’identité’’ comme il dit. Franchement, je pense pas avoir de problème d’identité moi. Des problèmes avec l’autorité, je dis pas mais bon. Ah. La séance arrive à son terme. J’ai juste une question : vous pensez réellement que j’ai des problèmes d’identité monsieur ?

toi